
Alors que l’Europe ambitionne de devenir un leader dans la transition énergétique, un défi inattendu émerge : une pénurie alarmante de lithium, essentiel pour les batteries des véhicules électriques (VE). Cette crise, amplifiée par une demande mondiale en explosion, met sous pression les constructeurs automobiles et les chaînes d’approvisionnement. Le Canada et l’Australie tentent de combler le vide avec des exportations record, mais les prix élevés et les tensions géopolitiques compliquent la donne. Plongez dans les coulisses de cette bataille pour sécuriser l’avenir des VE en Europe.
La flambée de la demande de lithium en Europe
L’essor des véhicules électriques est au cœur de la stratégie européenne pour réduire les émissions de CO2. En 2024, les ventes de VE dans l’Union européenne ont grimpé de 22 %, atteignant 2,8 millions d’unités, d’après l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA). Chaque batterie nécessite environ 8 kg de lithium, un métal léger mais crucial, faisant grimper la demande à 150 000 tonnes en 2023, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Avec l’objectif de bannir les moteurs thermiques d’ici 2035, la consommation pourrait tripler d’ici 2030, estimant un besoin de 450 000 tonnes par an.
Cependant, l’Europe manque cruellement de gisements exploitables. Actuellement, elle produit moins de 1 % du lithium mondial, obligeant le continent à dépendre des importations. Cette dépendance, combinée à une extraction lente et à des contraintes environnementales, a créé un déséquilibre qui menace les plans ambitieux de décarbonation.
Le Canada et l’Australie au secours de l’Europe
Face à cette pénurie, le Canada et l’Australie, géants du lithium, ont relevé le défi. En 2025, leurs exportations vers l’Europe ont bondi de 40 %, portant la part mondiale du Canada à 15 % et celle de l’Australie à 60 %, selon les données de l’US Geological Survey. Des projets comme la mine de Québec Lithium au Canada et les opérations en Australie occidentale illustrent cet effort pour répondre à la demande croissante. Ces pays offrent une alternative aux approvisionnements traditionnels dominés par la Chine et l’Amérique latine.
Malgré cet élan, les défis logistiques persistent. Le transport transatlantique et les délais de raffinage limitent la rapidité de la réponse. De plus, la Chine, qui traite 70 % du lithium brut, conserve une mainmise sur la chaîne d’approvisionnement, exposant l’Europe à des risques de rupture en cas de tensions commerciales.
Les prix élevés et leurs répercussions sur l’industrie
La pénurie a fait flamber les prix du lithium, impactant directement l’industrie automobile européenne. En 2022, le carbonate de lithium a atteint un pic à 22 000 dollars la tonne, une hausse de 90 % en un an, selon Fastmarkets. Bien que les prix aient reculé à 12 000 dollars en 2025, ils restent bien au-dessus des niveaux prépandémiques, augmentant les coûts des batteries de 30 % en moyenne. Pour un VE comme la Renault Mégane E-Tech, cela représente un surcoût de 2 000 euros par unité.
Cette pression financière menace la compétitivité des constructeurs européens face aux géants chinois comme BYD, dont les véhicules sont 15 % moins chers grâce à une maîtrise des coûts. Des marques comme Stellantis et Volkswagen envisagent de retarder certains lancements de modèles électriques, tandis que les consommateurs, confrontés à des prix plus élevés, hésitent à adopter les VE. Cette situation pourrait freiner les objectifs de l’UE de 30 millions de VE sur les routes d’ici 2030.
Négociations et stratégies pour un avenir durable
Pour sécuriser leurs réserves, les pays européens intensifient les négociations commerciales. L’Union européenne a signé des accords préliminaires avec le Canada et l’Australie en 2025, visant à garantir 20 % des besoins européens en lithium d’ici 2030. Des discussions avec le Chili et l’Argentine, qui détiennent 60 % des réserves mondiales, sont également en cours, soutenues par des investissements dans des projets d’extraction durable.
Parallèlement, l’UE explore des alternatives, comme le recyclage des batteries, qui pourrait récupérer 25 % du lithium nécessaire d’ici 2035, selon une étude de l’European Battery Alliance. Cependant, ces solutions nécessitent des années de mise en œuvre, laissant l’Europe vulnérable à court terme. La dépendance aux importations reste un enjeu critique dans un contexte de rivalités géopolitiques croissantes.
Un tournant décisif pour l’énergie verte
La crise du lithium illustre les défis de la transition énergétique : une ambition écologique confrontée à des contraintes matérielles et économiques. Le Canada et l’Australie offrent un répit, mais la domination chinoise et les coûts élevés rappellent l’urgence d’une stratégie européenne autonome. Alors que les VE sont essentiels pour un avenir décarboné, cette pénurie pose une question cruciale : l’Europe saura-t-elle transformer cette crise en opportunité pour innover, ou risque-t-elle de perdre la course vers la mobilité verte ? La réponse dépendra des choix politiques et industriels des années à venir.