La Californie sous tension : Trump déploie la Garde nationale face aux émeutes anti-expulsions

tension Los Angel

Los Angeles, mégapole vibrante de diversité, s’est transformée en théâtre de tensions explosives début juin 2025. Des manifestations contre les raids musclés de la police de l’immigration (ICE) ont dégénéré en affrontements violents, poussant le président Donald Trump à déployer plus de 4 000 membres de la Garde nationale et 700 Marines, une décision sans précédent depuis 1965. Face à cette escalade, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, crie à l’abus de pouvoir et engage une bataille juridique pour défendre la souveraineté de son État. Cet article plonge au cœur de cette crise, explorant ses origines, ses implications et les débats qu’elle suscite, tout en offrant une réflexion sur les fractures sociales et politiques qui secouent les États-Unis.

Une vague de colère contre les expulsions massives

Tout commence le 6 juin 2025, dans les quartiers hispanophones de Los Angeles, comme Paramount. Des agents de l’ICE, chargés d’appliquer la politique d’expulsions massives promise par Trump lors de sa campagne, mènent des arrestations musclées. Selon le ministère de la Sécurité intérieure, 118 personnes, dont cinq membres de gangs, sont arrêtées cette semaine-là. Ces opérations, visant les immigrants en situation irrégulière, provoquent une onde de choc dans une ville où la communauté hispanique représente une part significative de la population.

Les manifestations éclatent immédiatement. Des drapeaux sud-américains sont brandis, des œufs et projectiles lancés sur les véhicules de l’ICE. À Paramount, une voiture est incendiée, et des gaz lacrymogènes sont déployés par les forces de l’ordre. Ces images, largement relayées par l’AFP, traduisent une colère profonde face à ce que beaucoup perçoivent comme une politique inhumaine. « J’ai vu mon père menotté, entravé à la taille et aux chevilles. C’était traumatisant », témoigne Julian, fille d’un homme arrêté, lors d’une conférence de presse.

Cette vague de protestations n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un contexte où Trump a fait de la lutte contre l’immigration clandestine une priorité absolue de son second mandat, promettant « la plus grande expulsion de l’histoire des États-Unis ». Mais à Los Angeles, ville sanctuaire depuis novembre 2024, ces mesures rencontrent une résistance farouche, exacerbée par un sentiment d’injustice et de peur.

L’escalade militaire : une décision controversée

Le 7 juin, Trump signe un mémorandum présidentiel ordonnant le déploiement de 2 000 membres de la Garde nationale, suivi, deux jours plus tard, de 2 000 supplémentaires et de 700 Marines. Cette mobilisation, confirmée par le porte-parole du Pentagone Sean Parnell sur X, vise à « soutenir l’ICE et protéger les agents fédéraux » face à ce que l’administration qualifie de « rébellion ». Le coût de cette opération est estimé à 134 millions de dollars au 9 juin, selon des sources officielles.

Ce déploiement est exceptionnel à double titre. D’abord, il s’agit de la première fois depuis 1965 qu’un président fédéralise la Garde nationale sans l’accord du gouverneur de l’État, une démarche qualifiée d’« illégale » par Gavin Newsom. Ensuite, l’envoi de Marines, une force d’élite, sur le sol américain pour des troubles civils est rarissime. Trump justifie cette mesure en invoquant une loi fédérale réservée aux cas d’« invasion ou rébellion », un argument contesté par les experts. « Nous sommes loin d’une situation justifiant une telle escalade », affirme Elizabeth Goitein, du Brennan Center for Justice.

Sur le terrain, l’efficacité de ce déploiement est remise en question. Newsom rapporte que, des 2 000 premiers gardes déployés, seuls 300 sont actifs, les autres restant « inutilisés, sans eau ni nourriture, dans des bâtiments fédéraux ». Cette gestion chaotique alimente les critiques selon lesquelles Trump cherche à créer un « spectacle » pour asseoir son autorité, plutôt que de répondre à un réel besoin sécuritaire.

La riposte de la Californie : un bras de fer juridique et politique

Face à cette intervention fédérale, Gavin Newsom et le procureur général de Californie, Rob Bonta, passent à l’offensive. Le 9 juin, ils annoncent une action en justice contre l’administration Trump, arguant que le déploiement viole la Constitution et la souveraineté de l’État. « C’est un excès de pouvoir scandaleux », déclare Newsom, qualifiant la décision de « fantasme dictatorial ». La maire de Los Angeles, Karen Bass, renchérit en dénonçant une « escalade chaotique » et affirme que les forces locales suffisent à maintenir l’ordre.

La Californie, bastion démocrate et État sanctuaire, est depuis longtemps en conflit avec Trump sur l’immigration. En adoptant le statut de ville sanctuaire en novembre 2024, Los Angeles s’est engagée à limiter sa coopération avec les autorités fédérales sur les questions migratoires, une position que l’administration Trump cherche à sanctionner par des coupes de subventions. Ce bras de fer s’inscrit dans une lutte plus large entre le pouvoir fédéral et les États progressistes, ravivant les débats sur l’autonomie des États face à Washington.

Les gouverneurs démocrates des autres États soutiennent Newsom, dénonçant un « abus de pouvoir alarmant ». L’American Civil Liberties Union (ACLU) et des experts juridiques, comme Kenneth Roth, ancien directeur de Human Rights Watch, alertent sur une possible dérive autoritaire, craignant que cette mobilisation ne serve de précédent pour réprimer d’autres manifestations ailleurs.

Les enjeux sociaux et politiques : une société fracturée

Au-delà du conflit immédiat, cette crise révèle des fractures profondes dans la société américaine. D’un côté, les partisans de Trump, galvanisés par des figures comme Stephen Miller, qui qualifie les manifestations d’« insurrection contre la souveraineté des États-Unis », soutiennent une ligne dure contre l’immigration. De l’autre, les défenseurs des droits des migrants, comme la manifestante Kelly Diemer, 47 ans, dénoncent une militarisation excessive : « Ils sont censés nous protéger, mais ils nous attaquent ».

Los Angeles, avec sa population hispanique importante, est un symbole de la diversité américaine, mais aussi un point de rupture. Les opérations de l’ICE, perçues comme indiscriminées, ravivent des traumatismes dans les communautés immigrées, où la peur des arrestations paralyse les travailleurs agricoles et les familles. Parallèlement, la rhétorique de Trump, qui évoque une « invasion » et n’exclut pas d’invoquer l’Insurrection Act, alimente un climat de polarisation.

Cette crise pose aussi la question de la légitimité de l’usage de la force militaire dans des conflits civils. Alors que le dernier déploiement de la Garde nationale pour des troubles civils en Californie remonte à 2020, après la mort de George Floyd, l’ampleur de la mobilisation actuelle interroge : s’agit-il de protéger l’ordre public ou de consolider un pouvoir autoritaire ? Les réponses divergent, mais le débat est loin d’être clos.

Une nation au bord du précipice

La crise de Los Angeles est bien plus qu’un affrontement local : elle est le miroir des tensions qui déchirent les États-Unis. En déployant la Garde nationale contre l’avis des autorités californiennes, Trump teste les limites de son pouvoir, au risque d’enflammer davantage une société déjà polarisée. Newsom, Bass et leurs alliés, en s’opposant frontalement à Washington, défendent non seulement la souveraineté de leur État, mais aussi une vision d’une Amérique inclusive et respectueuse des droits humains.

Alors que les rues de Los Angeles retrouvent un calme précaire, une question demeure : jusqu’où ira ce bras de fer ? La réponse pourrait redéfinir les équilibres entre pouvoir fédéral et États, mais aussi entre sécurité et liberté. Face à cette crise, chaque citoyen est invité à réfléchir : dans une démocratie, où tracer la ligne entre ordre et autoritarisme ? L’avenir des États-Unis, et de ses idéaux, pourrait bien en dépendre.