Le Canada face à l’OTAN : une ambition audacieuse pour la défense nationale

Canada face à l’OTAN

Le Canada s’engage dans une nouvelle ère de dépenses militaires en rejoignant ses alliés de l’OTAN pour atteindre un objectif ambitieux de 5 % du PIB consacré à la défense d’ici 2035. Ce virage stratégique, annoncé lors du sommet de l’OTAN à La Haye, marque une rupture avec des décennies de sous-financement chronique. Face à un monde géopolitique instable, où les menaces évoluent rapidement, le premier ministre Mark Carney a présenté cette hausse comme un investissement essentiel pour la sécurité nationale. Mais que signifie cet engagement pour le Canada, tant sur le plan économique que stratégique ? Cet article explore les implications de cette décision, les défis à relever et les opportunités qu’elle offre.

Un tournant historique pour la défense canadienne

Le Canada a longtemps été critiqué pour ne pas avoir atteint l’objectif de 2 % du PIB fixé par l’OTAN en 2014. Selon le rapport annuel du secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, publié en avril 2025, les dépenses de défense du Canada s’élevaient à environ 1,45 % du PIB en 2024. Ce retard a alimenté des tensions avec les alliés, notamment les États-Unis, qui insistent sur un partage équitable du fardeau. L’engagement de 5 % du PIB, adopté lors du sommet de La Haye en juin 2025, représente une augmentation spectaculaire, qualifiée par David Perry, président de l’Institut canadien des affaires mondiales, de « changement radical » comparable aux efforts de la Seconde Guerre mondiale.

Pourquoi ce revirement soudain ? Quelles pressions, internes ou externes, ont poussé le Canada à s’engager dans une telle ambition ? Les tensions géopolitiques croissantes, notamment dans l’Arctique où la Russie et la Chine renforcent leur présence, pourraient être un facteur clé. De plus, les attentes des alliés de l’OTAN, combinées à la nécessité de moderniser les Forces armées canadiennes (FAC), semblent avoir catalysé cette décision. Mais comment le Canada peut-il transformer cet objectif en réalité concrète ?

Comprendre l’objectif de 5 % : une vision à deux volets

L’engagement de 5 % du PIB se divise en deux catégories distinctes. La première, représentant 3,5 % du PIB, concerne les « besoins fondamentaux de défense ». Cela inclut le financement des Forces armées canadiennes, des équipements comme les avions de chasse, les sous-marins, les munitions, ainsi que les salaires et pensions des militaires. La deuxième catégorie, jusqu’à 1,5 % du PIB, vise des investissements plus larges dans les infrastructures critiques, la cybersécurité, la résilience civile et la base industrielle de défense. Selon la déclaration officielle du sommet, ces dépenses visent à « protéger nos réseaux, assurer notre préparation et libérer l’innovation ».

Pourquoi cette structure à deux volets est-elle significative ? En élargissant la définition des dépenses de défense, l’OTAN permet aux pays membres d’investir dans des domaines stratégiques comme la protection des infrastructures portuaires ou des réseaux de télécommunications, essentiels dans un monde où les cyberattaques et les perturbations logistiques sont des menaces croissantes. Pour le Canada, cela pourrait signifier des investissements dans l’Arctique, où les routes, les ports et les réseaux de communication sont cruciaux pour contrer l’influence de puissances rivales. Mais comment le Canada, avec son économie diversifiée et ses priorités sociales, peut-il équilibrer ces exigences financières massives ?

Les défis d’un financement ambitieux

Atteindre 5 % du PIB d’ici 2035 représente un défi colossal. En 2024, le PIB nominal du Canada était estimé à environ 2 800 milliards de dollars canadiens. Un objectif de 5 % équivaudrait à environ 140 milliards de dollars par an, contre environ 40,6 milliards en 2024 (1,45 % du PIB). Même l’objectif intermédiaire de 2 % d’ici mars 2026, annoncé par Carney, nécessite un effort financier considérable, avec 9,3 milliards de dollars de nouveaux fonds déjà engagés.

Quels sont les obstacles à surmonter ? Tout d’abord, les Forces armées canadiennes souffrent d’un sous-équipement chronique. Carney a reconnu que les militaires « n’ont pas été payés pour faire ce que nous leur demandons » et utilisent souvent des équipements obsolètes. Moderniser les bases, acquérir des chasseurs F-35 ou renforcer la flotte navale exigera des investissements massifs. Ensuite, les coûts croissants des technologies de défense, comme les systèmes de cybersécurité ou les drones, ajoutent une pression supplémentaire. Enfin, le Canada devra naviguer dans un débat public sur les priorités budgétaires. Comment les Canadiens réagiront-ils si des fonds sont redirigés de la santé ou de l’éducation vers la défense ? Ces « compromis », évoqués par Carney, pourraient devenir un point de friction politique d’ici la fin de la décennie.

Les opportunités d’une défense renforcée

Malgré ces défis, l’engagement de 5 % offre des opportunités significatives. Premièrement, il pourrait stimuler l’industrie de la défense canadienne. En investissant dans la recherche et le développement, le Canada pourrait devenir un acteur clé dans des secteurs comme l’intelligence artificielle militaire ou les technologies vertes pour la défense. Par exemple, des entreprises comme CAE ou Bombardier pourraient bénéficier de contrats pour moderniser les équipements des FAC. Deuxièmement, une présence accrue dans l’Arctique renforcerait la souveraineté canadienne face aux ambitions russes et chinoises. Enfin, atteindre cet objectif pourrait rehausser la crédibilité du Canada au sein de l’OTAN, renforçant son influence diplomatique.

Comment le Canada peut-il maximiser ces opportunités ? Une stratégie pourrait consister à intégrer les petites et moyennes entreprises dans la chaîne d’approvisionnement de la défense, créant ainsi des emplois et stimulant l’économie. De plus, des partenariats avec des alliés comme les États-Unis ou le Royaume-Uni pourraient réduire les coûts grâce à des projets conjoints. Mais comment s’assurer que ces investissements profitent à l’ensemble de la société canadienne, et pas seulement à l’industrie militaire ?

Une réflexion pour l’avenir

L’engagement du Canada à consacrer 5 % de son PIB à la défense d’ici 2035 marque un tournant audacieux dans sa politique de sécurité nationale. Face à un monde où les menaces hybrides, les rivalités géopolitiques et les changements climatiques redéfinissent la sécurité, cet objectif pourrait repositionner le Canada comme un acteur incontournable sur la scène internationale. Cependant, le chemin vers 2035 sera semé d’embûches : des contraintes budgétaires aux débats publics sur les priorités nationales, en passant par la nécessité de moderniser une armée sous-équipée. Le succès dépendra de la capacité du Canada à équilibrer ambition et pragmatisme, tout en mobilisant le soutien de ses citoyens.

Que signifie cet engagement pour l’avenir du Canada ? Comment les Canadiens peuvent-ils participer à ce débat sur la sécurité nationale ? Alors que l’OTAN réexaminera cet objectif en 2029, il est crucial de réfléchir dès maintenant aux choix qui façonneront le pays. La défense n’est pas seulement une question de tanks ou d’avions ; c’est un investissement dans la résilience, l’innovation et la souveraineté. À nous de décider comment cet avenir sera construit.