
Le 3 et 4 avril 2025, les bourses américaines ont connu une dégringolade spectaculaire, le S&P 500 perdant 10,81 % en deux jours, passant de 5 396,52 à 5 052,05 points. Cette chute, l’une des plus brutales depuis 2000, a été déclenchée par l’annonce de Donald Trump, le 2 avril, de droits de douane massifs – 10 % sur toutes les importations, jusqu’à 54 % sur les produits chinois – suivie d’une riposte immédiate de Pékin avec des tarifs de 34 % sur les biens américains. Les marchés, pris de panique, ont vu dans cette escalade le spectre d’une guerre commerciale mondiale. Mais au-delà de l’événement immédiat, cette crise soulève une question inquiétante : assistons-nous au prélude d’une récession, voire d’un effondrement économique comparable à celui de 1929 sous Herbert Hoover ?
Un signal technique alarmant
La violence de la baisse a marqué les esprits, mais c’est le franchissement rapide de la moyenne mobile à 200 jours (MM200) qui a sonné l’alarme chez les analystes. Cet indicateur, souvent considéré comme une frontière entre un marché haussier et baissier, se situait probablement autour de 5 300-5 400 points avant la chute. En tombant à 5 052,05 points le 4 avril, le S&P 500 a non seulement percé ce seuil, mais l’a fait avec une rapidité rare, signe d’une capitulation des investisseurs. Historiquement, un tel mouvement sous la MM200 a souvent précédé des périodes de turbulences prolongées : en 2000, après la bulle Internet, en 2008, avant la Grande Récession, et même en 2020, lors du choc pandémique. Si les deux premiers cas ont conduit à des récessions, 2020 a été une exception grâce à des interventions massives de la Réserve fédérale. En 2025, la question est de savoir si de tels garde-fous suffiront.
Un écho de 1929 ?
La situation actuelle rappelle étrangement le krach de 1929 et ses suites sous Herbert Hoover. À l’époque, le Smoot-Hawley Tariff Act de 1930, qui imposait des droits de douane élevés, avait exacerbé une crise boursière initiale en étouffant le commerce mondial, précipitant la Grande Dépression. Aujourd’hui, les mesures de Trump, bien plus rapides et radicales, semblent suivre une logique similaire : protéger l’industrie américaine au prix d’une déstabilisation globale. Comme Hoover, Trump pourrait être tenté de camper sur ses positions, privilégiant une victoire idéologique – son credo « America First » – à une réponse pragmatique face aux retombées économiques. La réponse chinoise, immédiate et symétrique, ne fait qu’amplifier ce parallèle, transformant une annonce unilatérale en guerre commerciale déclarée.
Pourtant, des différences existent. En 1929, l’absence de filets de sécurité modernes (Fed proactive, assurances bancaires) avait laissé l’économie s’effondrer sans frein. En 2025, la Fed dispose d’outils pour contrer une spirale baissière, comme des baisses de taux ou des injections de liquidités. Mais si Trump exerce une pression politique pour limiter ces interventions, ou si l’inflation induite par les tarifs paralyse la banque centrale, ces garde-fous pourraient s’avérer insuffisants.
Vers une récession imminente ?
Les ingrédients d’une récession dans les prochains mois – disons d’ici l’été ou l’automne 2025 – sont réunis. Les droits de douane risquent d’augmenter les coûts pour les entreprises et les consommateurs, de réduire les exportations américaines (notamment agricoles), et de perturber des chaînes d’approvisionnement déjà fragiles. Une étude typique sur les guerres commerciales estime qu’elles peuvent amputer le PIB mondial de 1 à 2 % en un an, assez pour faire basculer une économie vacillante. Ajoutez à cela la perte de confiance des investisseurs, illustrée par la chute des marchés et la ruée vers l’or (3 168 dollars l’once le 4 avril), et le tableau s’assombrit. Si le S&P 500 tombe sous les 5 000 ou 4 800 points dans les semaines à venir, un marché baissier technique (baisse de 20 % depuis le sommet) deviendra une réalité, souvent un prélude à une contraction économique.
Trump, un Hoover des temps modernes ?
La clé réside dans la réponse de Trump. S’il refuse de temporiser ses tarifs face à la panique des marchés, comme Hoover qui s’entêta avec Smoot-Hawley, il pourrait précipiter une crise qu’il ne contrôlera plus. Sa base populiste pourrait applaudir cette fermeté, mais les milieux d’affaires et les Républicains au Congrès, voyant leurs intérêts menacés, pourraient le pousser à ajuster le tir. Contrairement à 1929, la pression médiatique et publique moderne pourrait forcer une réaction plus rapide. Reste à savoir si Trump cédera ou ira jusqu’au bout, coûte que coûte.
Conclusion
La chute des 3 et 4 avril 2025 n’est pas qu’une correction passagère : elle porte les germes d’une récession potentielle dans les six prochains mois, voire d’un krach plus profond si les tensions commerciales s’enveniment. Le parallèle avec 1929 est frappant, mais le monde de 2025 dispose de mécanismes pour éviter le pire – à condition qu’ils soient activés. Pour l’instant, les marchés retiennent leur souffle, suspendus à la prochaine décision de Trump et à la capacité de la Fed à jouer les pompiers. Une chose est sûre : ça ne regarde vraiment pas bien pour la suite.