Le Grand Réveil de Pékin : Comment la Chine tente de relancer sa machine économique face à la tempête mondiale


Après des mois d’essoufflement économique, de tensions commerciales explosives avec Washington et de crise de confiance sur les marchés intérieurs, la Chine abat une nouvelle carte monétaire. S’agit-il d’un simple ajustement technique ou d’un tournant stratégique ? Décryptage d’un réveil périlleux mais potentiellement décisif.


Un geste fort dans un contexte étouffant

Le 7 mai 2025, la Banque populaire de Chine (PBoC) a abaissé son taux de réserve obligatoire (RRR) de 0,5 point, libérant l’équivalent de 138 milliards de dollars (1 000 milliards de yuans) dans le système bancaire (FT). Une baisse du taux d’intérêt directeur à 1,4 % a suivi. Pékin espère ainsi injecter une dose d’adrénaline dans une économie affaiblie par la déflation, l’effondrement du secteur immobilier, et l’envolée des droits de douane américains.

Mais ce n’est pas qu’une opération de routine : c’est une réponse calculée à ce que certains au sein même du Parti communiste appellent « la plus grande menace extérieure depuis l’entrée dans l’OMC en 2001 ».


Une croissance en berne malgré des chiffres officiels lissés

Officiellement, la croissance chinoise reste au-dessus de 4 %, mais nombre d’analystes estiment qu’en intégrant la baisse réelle de la consommation, les faillites locales, et les arriérés d’urbanisation, l’économie tourne à 1–2 % tout au plus. Le marché immobilier — moteur de la croissance durant deux décennies — est en coma artificiel depuis les déboires d’Evergrande et Country Garden.

L’endettement des gouvernements locaux atteint plus de 92 % du PIB selon l’Institut de la finance internationale (IIF, 2025), limitant leurs marges de relance. Quant à la classe moyenne chinoise, longtemps perçue comme bouée de sauvetage intérieure, elle devient prudente, thésaurise, et reporte ses projets d’achat.


Washington en embuscade : un bras de fer technologique et monétaire

Le président américain a annoncé en avril une salve de tarifs douaniers punitifs allant jusqu’à 145 % sur certains produits chinois, notamment dans le secteur stratégique des véhicules électriques et des semi-conducteurs (The Guardian).

En réaction, Pékin cherche à amortir le choc non seulement par la monnaie, mais aussi en activant ses partenariats alternatifs : routes de la soie, BRICS élargis, et contrats bilatéraux en yuan. L’objectif est double : relancer l’économie et accélérer la dédollarisation du commerce international.


Un pari risqué sur le crédit

Le relâchement monétaire ne garantit toutefois pas une reprise. Comme le souligne Alicia García Herrero, économiste en chef pour l’Asie chez Natixis : « Injecter de la liquidité ne suffit pas si personne ne veut emprunter. » La confiance des ménages et des entreprises reste fragile.

Il y a un précédent : en 2015, une vague similaire de relance avait provoqué une bulle boursière suivie d’un krach dévastateur. Aujourd’hui, le Parti semble prêt à prendre ce risque… ou n’a peut-être plus le choix.


Conclusion : un moment charnière pour la deuxième puissance mondiale

Le geste de la PBoC est un signal clair : la Chine refuse de rester passive face à l’étau économique et géopolitique qui se resserre. Mais entre une guerre commerciale qui s’intensifie, un secteur immobilier délabré et une demande intérieure en panne, la relance pourrait bien se transformer en épreuve de vérité.

Le dragon s’agite. Reste à savoir s’il rugit encore, ou s’il ne fait que souffler la cendre de ses années de gloire.