
Alors que les leaders des sept plus grandes démocraties économiques se réunissent dans les Rocheuses canadiennes à partir du 15 juin 2025, le sommet du G7 promet des débats intenses dans un climat de tensions sans précédent. Sous l’égide du premier ministre canadien Mark Carney, cette rencontre marque un virage stratégique, abandonnant les priorités traditionnelles comme le climat et l’égalité des genres pour se concentrer sur des enjeux cruciaux : sécurité énergétique, intelligence artificielle, chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques et stabilité économique mondiale. Avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et des crises géopolitiques comme l’escalade Israël-Iran, la guerre Russie-Ukraine et le conflit à Gaza, ce sommet pourrait redéfinir l’unité occidentale ou révéler ses failles. Plongeons dans les enjeux qui façonneront ces trois jours décisifs.
Un agenda repensé face aux urgences actuelles
Le G7, qui réunit Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni et États-Unis, s’éloigne cette année des thèmes qui ont dominé les sommets passés. Traditionnellement axé sur le changement climatique et l’égalité des sexes, le programme 2025, orchestré par Mark Carney, pivote vers des priorités plus immédiates. La sécurité énergétique devient centrale avec la dépendance croissante aux ressources comme le lithium et le cobalt, essentiels pour les technologies vertes et l’intelligence artificielle. Les minéraux critiques, dont l’extraction est dominée par des pays comme la République démocratique du Congo, suscitent des inquiétudes face aux tensions avec la Chine, qui contrôle une part significative de ces chaînes d’approvisionnement.
L’intelligence artificielle, quant à elle, émerge comme un moteur de croissance économique, mais aussi comme un défi de régulation. Des experts, dont Paul Samson du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, notent que cette transition numérique exige une coordination internationale, un point que Trump pourrait contester en raison de ses réticences envers les taxes numériques imposées par des pays comme la France et le Canada. Enfin, la stabilité économique mondiale est mise à rude épreuve par les tarifs douaniers américains, qui menacent de déclencher une guerre commerciale. Ce changement d’orientation reflète un pragmatisme dicté par les bouleversements géopolitiques et l’influence de Trump, qui pousse pour un retour aux racines économiques du G7.
Trump au cœur des tensions commerciales
L’arrivée de Donald Trump au sommet, prévu à Kananaskis, Alberta, jette une ombre sur les discussions. Depuis son retour à la présidence en janvier 2025, il a imposé des tarifs agressifs, doublant les taxes sur l’acier et l’aluminium pour contrer l’invasion de métaux chinois à bas coût. Ces mesures ont suscité l’ire des alliés du G7, notamment le Canada, dont l’économie dépend fortement des exportations vers les États-Unis. Mark Carney, dans une déclaration récente, a affirmé que la « prédominance » américaine sur la scène mondiale appartient au passé, soulignant une fracture dans le partenariat historique entre les deux nations.
Les tensions commerciales s’ajoutent à des provocations verbales, Trump ayant suggéré que le Canada devienne le 51e État américain, une idée rejetée avec fermeté par Carney. Lors des réunions préparatoires à Banff en mai, le ministre des Finances François-Philippe Champagne a reconnu que ces tarifs créent des « tensions » parmi les membres du G7. Malgré cela, Carney mise sur une approche diplomatique, évitant un communiqué commun potentiellement explosif. Des discussions bilatérales, notamment avec Trump, pourraient aboutir à un assouplissement des tarifs en échange d’engagements canadiens sur la défense, mais l’issue reste incertaine face à la posture imprévisible du président américain.
Crises géopolitiques : Israël-Iran en tête d’affiche
Alors que le sommet devait initialement se concentrer sur la guerre Russie-Ukraine et les tensions avec la Chine, l’escalade militaire entre Israël et l’Iran, débutée le 13 juin 2025, redéfinit les priorités. Les frappes israéliennes sur des sites nucléaires et militaires iraniens, suivies de ripostes de Téhéran, ont tué des dizaines de personnes et perturbé les chaînes d’approvisionnement énergétique, faisant grimper les prix du pétrole. Cette crise éclate juste avant le G7, obligeant les leaders à revoir leur agenda. Une source gouvernementale canadienne a indiqué que cette « flambée de violence » sera « en haut des priorités » des échanges.
Trump, qui a laissé entendre une possible implication américaine dans ce conflit lors d’une interview avec ABC News, se trouve sous pression pour influencer Israël, son allié clé. Cependant, sa proposition de médiation par Vladimir Poutine, discutée lors d’un appel le 14 juin, complique les relations avec les Européens, qui craignent une mainmise russe. La guerre Russie-Ukraine et le conflit à Gaza, où des appels humanitaires s’intensifient, ajouteront une couche de complexité. Les leaders chercheront à coordonner des sanctions contre la Russie et à soutenir l’Ukraine, mais l’ambiguïté de Trump vis-à-vis de Moscou pourrait fragiliser cet effort.
Une unité occidentale à l’épreuve
L’unité du G7 est mise à l’épreuve par ces multiples crises. Mark Carney a invité des leaders comme Volodymyr Zelenskyy d’Ukraine et Narendra Modi d’Inde pour élargir le dialogue, mais l’absence de Chine et de Russie, malgré les appels de Trump à réintégrer cette dernière, souligne les divisions. Les discussions sur les minéraux critiques pourraient aboutir à un fonds d’investissement G7 pour contrer l’influence chinoise, une initiative soutenue par des experts comme Gracelin Baskaran du Centre pour les études stratégiques et internationales.
Cependant, les différends sur les tarifs et les priorités géopolitiques risquent de produire un sommet sans consensus clair. Contrairement aux années précédentes, pas de communiqué commun n’est prévu, remplacé par des déclarations ciblées sur l’Ukraine, Gaza et l’IA. Cette stratégie vise à éviter un fiasco comme en 2018, lorsque Trump avait refusé de signer le texte final à Charlevoix. Pour les marchés, l’issue des négociations bilatérales avec Trump sur les tarifs, qui expirent le 8 juillet, sera cruciale, tout comme les discussions sur un plafonnement des prix du pétrole russe.
Un avenir incertain pour la coopération mondiale
Le sommet du G7 2025 à Kananaskis pourrait marquer un tournant dans la coopération internationale, mais aussi révéler ses limites. Face à un Trump déterminé à imposer une vision « America First », les leaders doivent naviguer entre pragmatisme et principes. La capacité de Carney à maintenir un front uni, malgré les crises Israël-Iran, Russie-Ukraine et Gaza, sera un test de la résilience du G7. Ce rendez-vous soulève une question cruciale : la diplomatie peut-elle encore prévaloir dans un monde fragmenté par les ambitions nationales et les conflits régionaux ? La réponse, qui se dessinera dans les jours à venir, pourrait redéfinir l’équilibre mondial pour des années.